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La séance est ouverte à 10 heures
Présidence de M. Guy Geoffroy, vice-président
La Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Luc Warsmann, le projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 1314).
M. Jean-Jacques Urvoas. Certaines déclarations des responsables de la majorité ne créent pas un climat serein. Le Président du groupe majoritaire a ainsi déclaré que cette réforme « il faut la faire sinon on ne la fera jamais » et cela, « quel que soit le coût » politique pour la majorité.
Je réitère donc la demande de retrait de ce texte et souhaiterais savoir si une question préalable peut être défendue en commission.
M. Guy Geoffroy, président. Une question préalable peut être défendue en commission, mais aucune n’a été déposée.
M. Jean-Jacques Urvoas. Au regard de notre tradition historique, de ce qu’est notre droit parlementaire républicain depuis 1792, nous combattrons ce texte de toute notre énergie. Il n’est pas surprenant de voir ce texte porté par les défenseurs de la Ve République : il en est la quintessence et l’aboutissement. Quelle fut la marque originelle de la Ve République ? C’est un statut minoré du Parlement pour l’empêcher le plus possible d’entraver l’action gouvernementale. Il en découla des règles para-constitutionnelles relatives au fonctionnement des pouvoirs publics : non seulement la Constitution réglait une multitude de détails abandonnés jusque là à des textes de moindre importance, mais les règlements des assemblées furent soumis à un contrôle de constitutionnalité très sévère. C’est l’objet de l’article 61 de la Constitution, voulu par Michel Debré. Il s’agissait alors de mettre fin au régime d’assemblée.
Ce projet de loi organique est aux antipodes de la volonté revendiquée par la majorité de contribuer à la revalorisation rôle du Parlement : il s’inscrit au contraire parfaitement dans cette conception restrictive des droits des assemblées. Le droit d’adopter des résolutions est entravé par un pouvoir de veto confié au Premier ministre. La mise en place d’études d’impact est contournée par la multiplication des exonérations. Le partage de l’ordre du jour est contrecarré par l’exigence de contrôle du pouvoir exécutif.
Je tiens à saluer la cohérence de la pensée du rapporteur, dont la détermination l’a conduit à ne pas procéder à des auditions et à accepter un calendrier aussi rapide, ce qui est regrettable. Le groupe SRC a, lui, organisé des auditions, comme il l’avait fait à l’occasion de la révision constitutionnelle. Au terme de ces auditions, nous considérons que les députés vont perdre une partie de leur capacité à « faire la loi ». Même si les lois sont largement à l’initiative du Gouvernement, les députés peuvent aujourd’hui amender les projets de loi, l’amendement étant le principal « outil de travail » du député. Avec ce texte, nous considérons que vous entamez un inacceptable processus de restriction du droit d’amendement. Nous ne souhaitons pas que les députés se contentent d’être des greffiers avalisant dans le minimum de temps les textes imaginés par les cabinets ministériels.
Monsieur le rapporteur, le 11 septembre 2007, lors de votre audition par le Comité Balladur, vous avez fait part de votre conviction : « un député ou même un groupe parlementaire n’est pas en état aujourd’hui d’écrire une proposition de loi vaste et importante parce que le Parlement n’a pas la structure, l’ingénierie administrative suffisante pour écrire des textes de grande portée ». À l’inverse, vous avez insisté sur le rôle des commissions et dessiné un « avenir du Parlement (…) dans une activité législative qui se réduise et se concentre qualitativement et [qui] se développe dans le contrôle ».
Certes, cette fonction de contrôle se renforce au sein des parlements européens, mais en estimant que le contrôle est sa principale vocation, le pouvoir législatif, et singulièrement en son sein l’opposition, sera privé de sa fonction « d’empêcher », chère à Montesquieu dans le cadre de la théorie de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif se trouverait uniquement en situation d’accompagner l’exercice du pouvoir. Jamais le Parlement ne pourra s’opposer au Gouvernement. Le contrôle ne peut être qu’une fonction du Parlement symétrique avec sa pleine capacité à légiférer.
J’en viens maintenant à quatre questions.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit devant le comité Balladur votre intérêt pour la constitutionnalisation des études d’impact afin de tenter de réguler ce que vous appeliez le « torrent législatif ». Vous indiquiez alors qu’elles devaient concerner « toutes les lois importantes ». En réponse à Olivier Schrameck, vous précisiez qu’il pouvait s’agir des coûts engendrés par l’application du texte ou la taille de la population concernée par son sujet. À cet égard, l’article 10 du projet de loi organique vous satisfait-il ? Dans cette même intervention, vous envisagiez que ces études d’impacts soient mises en ligne, à la disposition des citoyens, avec « un temps pour qu’ils puissent réagir ». Comptez vous proposer un amendement en ce sens ? Le premier alinéa de l’article 7 du projet de loi organique ne prévoit pas que les études d’impacts soient réalisées avant la transmission au Conseil d’État. Comptez vous déposer un amendement en ce sens ? Devant le comité Balladur, vous indiquiez également que vous ne seriez « pas choqué » que l’on confie au Conseil constitutionnel, en amont, le soin de « vérifier la réalité et la sincérité des études d’impact ». Comptez vous proposer un amendement en ce sens ? Êtes-vous favorable à « la création, dans chaque ministère, sur le modèle du contrôleur financier, d’un contrôleur juridique chargé de veiller à la nécessité et à la solidité juridiques des textes proposés », que le président de la République souhaitait dans la lettre de mission adressée le 18 juillet 2007 au comité Balladur ?
Durant les débats sur la révision constitutionnelle, la justification avancée pour le recours à une loi organique était la volonté de « poser des conditions au droit d’amendement du Gouvernement » selon les termes mêmes du rapporteur. Vous ajoutiez le 28 mai : « Si nous ne votons par l’article 18, nous ne pourrons pas fixer de limites aux amendements du Gouvernement. Or si des limites sont fixées pour les amendements parlementaires, il paraît normal que le Gouvernement soit soumis aux mêmes règles du jeu, ce que permettra le recours à une loi organique ». Où est, dans le projet de loi, la traduction écrite de cette intention ?
Devant le comité Balladur, vous indiquiez également que si le Gouvernement peut amender après la commission et juste avant la séance, « tout le monde doit ensuite pouvoir s’exprimer ». Ce n’est pas la lecture que nous faisons de l’article 12 du projet et nous sommes désireux de connaître votre interprétation.
Dans sa lettre de mission au comité Balladur, le Président de la République demandait que soit étudiée « la possibilité pour une commission ad hoc du Parlement, après le vote des lois, ou pour le Conseil constitutionnel, de procéder au déclassement systématique des dispositions législatives intervenues dans le domaine du règlement ». Devant le comité Balladur, vous avez exprimé une proposition audacieuse qui consiste à donner pour mission au Conseil constitutionnel de contrôler systématiquement dans les lois adoptées, six mois après leur promulgation, ce qui relève du règlement et ce qui relève de la loi. La loi ne serait pas annulée mais certaines de ces dispositions déclassées. Comptez-vous proposer un amendement en ce sens ?
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne suis pas satisfait en l’état de l’article 10 du projet de loi organique, et c’est la raison pour laquelle je vous présenterai des amendements afin de supprimer la plupart des exonérations de l’obligation de joindre aux projets de loi des études d’impact.
Concernant la vérification de la sincérité des études d’impact en amont par le Conseil constitutionnel, la Constitution a tranché : si la Conférence des présidents estime qu’une étude est insuffisante, soit le Gouvernement revoit sa copie, soit un désaccord surgit et le Conseil constitutionnel est alors saisi de la question.
La question de l’institution d’un contrôleur juridique dans chaque ministère est une question d’organisation administrative, qui relève du seul pouvoir exécutif.
En ce qui concerne le droit d’amendement gouvernemental, le texte ne prévoit en effet aucune restriction. C’est la raison pour laquelle je vous propose par voie d’amendement que le dépôt hors délai d’un amendement par le Gouvernement ait pour effet de rouvrir les délais de dépôt des amendements par les parlementaires et permette d’accorder du temps global additionnel lorsque le débat sera organisé dans des délais.
La procédure d’examen simplifiée est, de mon point de vue, une procédure qui n’est pas encore assez développée mais qui ne peut l’être qu’en recueillant un large accord. Je présente pour cela un amendement prévoyant que tout président de groupe pourra s’opposer à la mise en œuvre de cette procédure simplifiée.
En matière de contrôle a posteriori du caractère réglementaire ou législatif des dispositions législatives, je n’ai pas changé d’avis depuis le temps du comité Balladur. Mais j’ai dû me rendre à l’évidence que ce projet de loi organique n’offrait pas d’accroche pour une telle disposition. Aujourd’hui, le déclassement est seulement ponctuel, et à la demande du Gouvernement. Le précédent président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, avait pourtant tenté de développer un contrôle plus systématique, mais s’était heurté à l’impossibilité matérielle de passer au crible les textes qui sont déférés au Conseil constitutionnel en quelques semaines. Par ailleurs, il n’est pas souhaitable que le caractère réglementaire d’une disposition figurant dans un texte de loi ait pour conséquence une invalidation de cette disposition. Seul un déclassement de la disposition est souhaitable.
Je ne propose pas d’amendement destiné à prévoir la mise en ligne des études d’impact, car j’estime que le Parlement pourra y procéder sans qu’il soit nécessaire d’en faire mention dans la loi organique. En revanche, je propose par un amendement que l’évaluation soit transmise au Conseil d’État, car cela garantira que cette évaluation sera effectivement produite a priori. De la même manière, j’estime qu’une étude d’impact doit être très concrète, et c’est pour cela que je disais hier qu’elle ne devait pas être une dissertation de philosophie. Plusieurs amendements que je présenterai tout à l’heure auront pour objet de donner du contenu aux études d’impact.
La commission passe ensuite à l’examen des articles.
Avant l’article premier :
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas précisant le régime du référendum d’initiative partagée.
M. Manuel Valls. Comme nous l’avons souligné hier lors de l’audition du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, le Gouvernement s’est attaché à réduire les pouvoirs du Parlement et à renforcer ceux de l’exécutif, alors que ce débat devrait être l’occasion de renforcer les droits du Parlement ainsi que des citoyens. Cet amendement définit le régime du référendum d’initiative partagée en s’inspirant des propositions formulées par le rapport Vedel de 1993. Il s’agit d’un dispositif novateur et attendu par nos concitoyens.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement car le projet de loi organique ne concerne que l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, et non l’article 11. J’aurais pour ma part préféré que le Gouvernement présente deux lois organiques, l’une relative au Parlement et l’autre relative aux droits des citoyens mais, pour des raisons de rapidité, il a été choisi de rédiger une série de lois organiques successives.
M. Manuel Valls. Nous souhaitons avoir, d’ici la séance publique, des indications sur le calendrier de l’application de la révision constitutionnelle. Les textes présentés jusqu’à présent, relatifs au retour des ministres au Parlement, au redécoupage des circonscriptions législatives et au droit d’amendement manquent d’ambition ou renforcent les pouvoirs de l’exécutif, alors que le référendum d’initiative partagé était une véritable avancée. Il aurait été préférable d’adopter une autre démarche.
M. le rapporteur. Je relaierai auprès du Gouvernement votre demande d’information sur le calendrier.
L’amendement est rejeté.
La Commission est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas insérant un chapitre relatif au statut de l’opposition.
M. Bruno Le Roux. Cet amendement vise à introduire un nouvel équilibre en reprenant les propositions du comité Balladur sur le statut de l’opposition. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet de réflexions dans le cadre du groupe de travail sur la réforme du Règlement présidé par M. Bernard Accoyer.
M. le rapporteur. Le statut de l’opposition est prévu par l’article 51-1 de la Constitution qui ne renvoie pas à la loi organique pour son application. C’est au Règlement de chaque assemblée d’appliquer cette disposition.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cette loi organique est inutile si toutes les dispositions concrètes sont renvoyées au Règlement. L’Assemblée nationale doit rester souveraine sur ses règles de fonctionnement interne. L’introduction d’un statut de l’opposition serait une véritable novation.
M. le rapporteur. Il est inexact de dire que la loi organique est inutile. Les articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution prévoient précisément une loi organique pour fixer leurs conditions d’application.
Mme Delphine Batho. Il faudrait une loi organique sur certains points, mais pas sur les droits de l’opposition ! Je tiens à rappeler que, devant le Sénat, le 23 juin 2008, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement avait assuré qu’aucune loi organique ne viendrait limiter le droit d’amendement des parlementaires.
L’amendement est rejeté.
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas attribuant à la majorité et à l’opposition un temps de parole égal durant les séances de questions d’actualité.
M. Jean-Jacques Urvoas. Ce sujet devrait être consensuel puisque la majorité parlementaire, y compris M. Bernard Accoyer, s’est déclarée prête à revenir à cette pratique qui avait été arrêtée en 1981. Un élément de novation serait, par ailleurs, d’instaurer un droit de réplique, comme cela existe dans de nombreux régimes parlementaires. En 1969, M. Jean Foyer avait déclaré que les questions d’actualité n’auraient de sens que lorsque le député pourrait réinterroger le ministre après sa réponse. Aujourd’hui, on assiste à la succession de deux monologues.
M. René Dosière. La majorité essaie de convaincre que l’obstruction pratiquée par l’opposition donne une mauvaise image de l’Assemblée nationale. Mais le déroulement des questions d’actualité, qui sont regardées par trois à quatre millions de téléspectateurs, donne une image détestable de la vie parlementaire. Ces séances intéressent les Français, mais ils en retiennent l’image d’une séance de Guignol, qui est une caricature de la vie parlementaire, en total décalage avec les longs débats sur les textes. Elles créent un préjudice considérable pour le Parlement. S’agissant du public présent, il assiste à une séance où les propos sont inaudibles tellement il y a de bruit. Quant aux questions rédigées à l’avance par le cabinet du ministre qui y répond, elles relèvent également de la caricature du travail parlementaire.
Au Québec, les séances de questions d’actualité sont très différentes. Elles sont de fait réservées à l’opposition, même si les parlementaires de la majorité ont théoriquement le droit de poser des questions. Le temps de parole est limité et personne ne lit une question rédigée à l’avance. Les parlementaires disposent d’un droit de réplique, dans un temps très limité. C’est un véritable dialogue, qui présente un intérêt.
Nos questions d’actualité, en revanche, devraient être soit supprimées, soit profondément transformées, comme le prévoit l’amendement.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement car l’organisation des questions d’actualité relève du Règlement. Sur le fond, il y a effectivement matière à débattre et je partage certaines des observations qui ont été formulées.
M. Jean-Christophe Lagarde. Quand M. Philippe Seguin était président de l’Assemblée nationale, il a souhaité renforcer le contrôle du Parlement sur le Gouvernement.
D’une part, il a fait adopter la session unique, qui s’est surtout traduite par une avalanche de textes dont beaucoup étaient de nature réglementaire. Le partage de la maîtrise de l’ordre du jour pourra peut-être améliorer les choses, mais l’Assemblée dispose-t-elle des moyens administratifs nécessaires pour être à l’initiative de textes de loi de grande ampleur ?
D’autre part, deux séances de questions d’actualité sont désormais organisées par semaine. C’est probablement trop par rapport au nombre de questions susceptibles d’être posées, ce qui donne lieu à des questions portant sur des problèmes spécifiques à une circonscription… Une seule séance de questions suffirait. La création d’une semaine de travail parlementaire réservée au contrôle la complèterait en permettant d’auditionner les ministres et de leur poser une série de questions pendant une heure.
Quant au partage égal du temps de parole entre la majorité et l’opposition, ce serait une très bonne chose.
M. Arnaud Montebourg. Durant le débat sur la révision de la Constitution, nous avions demandé de manière générale un temps de parole égal entre la majorité et l’opposition, comme c’est le cas dans de nombreux parlements. L’amendement porte uniquement sur les séances de questions d’actualité. Or, nous nous voyons opposer un refus pour la troisième fois : cela a été refusé pendant la réforme constitutionnelle, puis le groupe de travail présidé par M. Bernard Accoyer n’a pas tranché cette question. On vote tout ce qui restreint les droits des parlementaires mais on renvoie à plus tard ce qui les renforce ! Cet amendement témoigne de la constance de nos propositions, à la différence des engagements du Gouvernement.
M. Bruno Le Roux. On ne peut pas renvoyer au Règlement tout ce qui renforce les droits de l’opposition de manière concrète. Les déclarations récentes du Gouvernement s’éloignent de plus en plus des engagements pris lors du débat sur la révision de la Constitution. Le 2 décembre 2008, le groupe de travail présidé par M. Bernard Accoyer avait constaté un consensus sur le partage égal du temps de parole pour les questions d’actualité. Si c’est la logique suivie, il faudrait retirer de la loi organique toutes les dispositions qui devraient en réalité relever du Règlement.
M. le rapporteur. Le groupe de travail présidé par M. Bernard Accoyer porte sur la réforme du Règlement et aboutira à la rédaction d’une proposition de résolution. Les sujets abordés dans la loi organique sont différents. Certains amendements que je propose vous donneront satisfaction, mais nous ne devons pas adopter d’amendements hors sujet.
M. Manuel Valls. Nous sommes devenus méfiants car, pendant le débat sur la réforme constitutionnelle, nous avions pris acte de certains engagements du Gouvernement et de la majorité, que nous ne retrouvons pas. Des avancées ont été réalisées dans le cadre constitutionnel et la loi organique aurait pu remplir ce cadre. Or, les textes proposés ne traduisent pas les engagements pris. Nous avons le sentiment que le Gouvernement a peur de la capacité de l’Assemblée nationale à mettre en œuvre les nouvelles dispositions constitutionnelles.
L’amendement est rejeté.
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas créant un droit de réplique des parlementaires dans le cadre de la procédure des questions au Gouvernement.
L’amendement, ayant reçu un avis défavorable du rapporteur, est rejeté.
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à confier à un député de l’opposition une fonction de « contre rapporteur » pour chaque projet de loi.
M. Jean-Jacques Urvoas. En écoutant l’argumentation du rapporteur sur le précédent amendement, je me disais, en référence à une formule contestable mais bien connue : « nous avons juridiquement tort parce que nous sommes politiquement minoritaires ». Nous avons déjà débattu, lors de l’examen de la dernière révision constitutionnelle, du contenu de la loi organique à laquelle les nouvelles dispositions constitutionnelles renvoient. Le fait que l’on ait, à cette occasion, inscrit dans le texte constitutionnel des éléments qui n’y figuraient pas traditionnellement, montre qu’il existe dans ce domaine une part d’opportunité. Ce que nous proposons n’est en rien révolutionnaire ou conflictuel. Il faut donc cesser de renvoyer à plus tard les progrès et nous regrettons d’être, en permanence, confrontés à un « mur qui ne bouge pas ». Le renforcement du rôle du rapport de la commission, dans le nouveau cadre constitutionnel, devrait conduire à mettre en place de nouvelles méthodes de travail : cet amendement propose déjà de conforter l’évolution qui est intervenue, en pratique, pour ouvrir davantage à l’opposition les travaux conduits par le rapporteur sur un projet de loi.
En dépit de leur qualité remarquable, les rapports législatifs ne peuvent être réellement mis à profit par les parlementaires en raison de leur publication tardive, liée à la nécessité de faire état des débats en commission. Une solution pourrait consister à transformer ces rapports en rapports du rapporteur, communiqués aux députés avant la réunion de commission, ou à instituer des rapports de la minorité politique afin de confronter les points de vue.
M. Noël Mamère. Le fait que l’on nous renvoie sans cesse à la future réforme du Règlement de l’Assemblée lorsque nous proposons de modifier le texte de cette loi organique est révélateur des déséquilibres de nos débats, à l’instar de ce qui s’est produit lors de l’examen du projet de réforme de l’audiovisuel. Dans ce dernier cas, nous avons eu l’impression de nous réunir pendant 70 heures uniquement pour permettre au Président de la République de nommer et de révoquer à sa guise le président de France Télévisions, puisque la publicité sur les chaînes publiques a finalement pu être supprimée par un autre moyen. Renvoyer sans cesse à plus tard le renforcement des droits de l’opposition, pour lequel celle-ci présente des demandes précises, atteste d’une volonté de reprendre en main le Parlement, dont les droits vont encore être davantage minorés. La France en arrive au point où c’est un pays, qui a connu une période totalitaire et préside aujourd’hui l’Union européenne, qui est en mesure de nous donner des leçons de démocratie !
L’amendement proposé ne constitue pas une révolution mais paraît juste. Le principal problème posé aux commissions parlementaires est celui des délais beaucoup trop courts qui leur sont laissés pour étudier des textes examinés à « marche forcée ». Cette dérive conduit même à s’interroger sur la validité des lois que nous votons, puisque celles-ci demeurent désormais, très souvent, sans décret d’application. On ne peut pas voter des lois de qualité sans prendre le temps de la réflexion avant de délibérer. Le Président de la République nous impose un véritable « tsunami parlementaire », qui nous empêche de voter les lois dans de bonnes conditions, en prenant précisément connaissance de leur contenu, si bien que l’opposition ne peut pas travailler correctement, contrairement à la situation qui prévaut généralement chez nos voisins ou dans les grandes démocraties étrangères.
M. le rapporteur. Je suis surpris par ce qui vient d’être dit, car j’ai entendu hier, lors de notre précédente réunion, certains orateurs de l’opposition expliquer que les comparaisons internationales n’étaient pas pertinentes sur ce sujet.
Après avoir adopté cet été une révision constitutionnelle, nous sommes aujourd’hui saisis d’un projet de loi organique qui devra être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées et sera suivi d’une modification de notre Règlement. Tout cela est conforme à la hiérarchie des normes. Avis défavorable sur l’amendement.
M. Noël Mamère. « L’exemple touche plus que ne fait la menace », est-il dit dans Polyeucte. Le groupe GDR est un groupe technique mais il présente également une cohésion politique et fait tout particulièrement preuve de solidarité pour défendre le droit du travail et s’opposer au recul des libertés. Lorsque la défense de valeurs républicaines ou universelles est en jeu, ce groupe sait faire preuve d’unité. Je réaffirme que les Tchèques tout comme les Espagnols ont hélas connu un régime totalitaire au XXe siècle mais qu’ils constituent aujourd’hui des exemples de démocratie.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que, lors de la création d’une commission d’enquête, la fonction de président ou celle de rapporteur revient de droit à un parlementaire de l’opposition.
M. Arnaud Montebourg. Il s’agit pour nous d’une revendication constante : nous avions demandé, lors de l’examen de la révision constitutionnelle l’été dernier, l’inscription de cette règle de répartition des responsabilités de contrôle entre majorité et opposition, ce à quoi il nous avait été répondu que la question serait examinée ultérieurement. Puis, cette proposition a été à nouveau formulée, sans succès, au sein du groupe de travail parlementaire sur la réforme du Règlement. Or, de telles règles ont été instituées dans la plupart des pays européens. Cet amendement propose donc de l’inscrire dans la loi organique qui nous est soumise. Cela permettra de garantir le caractère réellement pluri-partisan des commissions d’enquête et de donner à l’opposition les moyens d’enquêter sur l’évolution des services publics, conformément à son rôle dans une démocratie moderne.
La Commission rejette cet amendement.
Puis, elle est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas donnant à chaque groupe parlementaire de l’opposition le droit de créer, au cours de chaque session, trois commissions d’enquête, pour lesquelles les fonctions de président et de rapporteur seraient de droit confiées à des parlementaires membres du groupe à l’origine de l’initiative.
M. Jean-Jacques Urvoas. Nous souhaiterions disposer rapidement du relevé de décisions de la réunion du groupe de travail parlementaire sur la réforme du Règlement en date du 2 décembre dernier, car cette proposition avait alors été discutée. Il convient de préciser les « droits spécifiques » ouverts aux groupes parlementaires de l’opposition par le nouvel article 51-1 de la Constitution. L’amendement propose, à cet égard, de donner à chaque groupe de l’opposition le droit de créer, lors de chaque session, jusqu’à trois commissions d’enquête. Il est nécessaire d’engager la discussion à ce sujet.
M. le rapporteur. Ces questions seront abordées dans le cadre de la réforme du Règlement.
La Commission rejette cet amendement.
Article additionnel avant l’article 1er : Intitulé du chapitre Ier :
La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur, supprimant de l’intitulé du chapitre Ier la référence, inutile, au caractère « parlementaire » des résolutions.
Article 1er : Dépôt des propositions de résolution :
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Claude Sandrier tendant à supprimer cet article.
M. Jean-Claude Sandrier. Les députés du groupe GDR proposent par amendements de supprimer les articles 1er à 3 du projet de loi, relatifs aux propositions de résolutions. En effet, cette procédure, telle qu’elle a été rétablie par le Gouvernement en dépit des réticences des députés de la majorité lors de l’examen de la révision constitutionnelle, demeure très contestable car elle ne donne en réalité aucun nouveau droit à l’opposition : ces résolutions ne pourront pas constituer des injonctions au Gouvernement ou mettre en jeu sa responsabilité devant l’Assemblée nationale. Le groupe de travail sur la future réforme de notre Règlement a proposé d’ajouter une limitation supplémentaire, en limitant à une ou deux le nombre de propositions de résolution que chaque groupe serait autorisé à déposer chaque année.
Nos amendements visent à rendre pleinement effectif ce nouveau droit en évitant toute contrainte aux groupes parlementaires. Nous convenons toutefois qu’il pourrait être acceptable de limiter le nombre de propositions de résolutions susceptibles d’être présentées à une par mois, pour chaque groupe.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement et adopte l’article 1er sans modification.
Article 2 : Renvoi des propositions de résolution à une commission et transmission au Premier ministre :
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier tendant à supprimer cet article.
Puis, elle est saisie d’un amendement du rapporteur supprimant la procédure de renvoi des propositions de résolution à une commission parlementaire.
M. le rapporteur. Cet amendement propose, au titre de la simplification, et pour éviter qu’un débat en commission ne se substitue au débat en séance publique, que ces propositions de résolution soient transmises sans délai au Premier ministre, sans exigence d’un examen préalable en commission. Il me semble en revanche important que l’auteur de la proposition de résolution soit en mesure de rectifier son texte en séance publique.
La Commission adopte cet amendement.
Deux amendements de M. Jean-Jacques Urvoas, le premier permettant de renvoyer à plusieurs commissions une même proposition de résolution, le second attribuant cette compétence aux seules commissions permanentes, deviennent en conséquence sans objet.
Puis, la Commission adopte l’article 2 ainsi modifié.
Article 3 : Irrecevabilité d’une proposition de résolution mettant en cause la responsabilité du Gouvernement ou contenant une injonction :
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier tendant à supprimer cet article.
La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur clarifiant les modalités d’examen des propositions de résolution en précisant que le Gouvernement doit faire connaître l’irrecevabilité d’une proposition de résolution avant son inscription à l’ordre du jour.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaiterais savoir ce que nous propose exactement le rapporteur en ce qui concerne l’examen des propositions de résolution. Celles-ci ne seraient donc pas examinées par les commissions permanentes ?
M. le rapporteur. Effectivement, les propositions de résolution seraient directement examinées en séance publique, comme c’est déjà le cas pour les motions. Concrètement, un président de groupe indiquera lors de la Conférence des présidents qu’une proposition de résolution est inscrite lors d’une séance réservée à ce groupe : elle sera alors examinée en séance, sans examen en commission. Néanmoins, il était nécessaire, dans la rédaction de la loi organique, de tenir compte de la possibilité pour le Gouvernement de déclarer l’irrecevabilité d’une proposition de résolution, cette déclaration devant être prononcée le plus en amont possible et en tout état de cause avant l’inscription de la proposition de résolution à l’ordre du jour. Enfin, l’amendement proposé introduit la possibilité pour l’auteur de la proposition de résolution de rectifier son texte, afin par exemple de tenir compte des débats en séance publique.
M. Jean-Jacques Urvoas. Si le Gouvernement estime qu’une proposition de résolution est irrecevable, devra-t-il argumenter sa position ? En effet, le texte constitutionnel permet seulement au Gouvernement « d’estimer » qu’une proposition de résolution est irrecevable, sans lui donner un pouvoir de décision en la matière.
M. le rapporteur. Le texte de l’article 34-1 de la Constitution est extrêmement clair : estimer qu’une proposition de résolution est irrecevable est une compétence du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne suis pas convaincu par cette interprétation car le droit est un acte d’interprétation, et non pas un acte de connaissance.
M. le rapporteur. Pour préciser encore le dispositif, je vous indique que ce pouvoir du Gouvernement s’exerce jusqu’à l’inscription de la proposition de résolution à l’ordre du jour. Une fois celle-ci inscrite, il ne peut plus s’y opposer.
La Commission adopte l’amendement du rapporteur. En conséquence, deviennent sans objet quatre amendement de M. Jean-Jacques Urvoas : le premier permettant à la Conférence des présidents de donner un avis lorsque le Gouvernement estime qu’une proposition de résolution est irrecevable ; le second confiant au Conseil constitutionnel la mission de se prononcer sur l’irrecevabilité d’une proposition de résolution soulevée par le Gouvernement ; les deux suivants introduisant une procédure cumulant un avis par la Conférence des présidents et une saisine éventuelle du Conseil constitutionnel.
Deviennent également sans objet deux amendements de M. Jean-Claude Sandrier et un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas imposant au Gouvernement de motiver sa décision de déclarer l’irrecevabilité d’une proposition de résolution ; un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas introduisant un délai de 48 heures dans lequel le Gouvernement doit se prononcer sur l’irrecevabilité d’une proposition de résolution ; deux amendements de M. Jean-Claude Sandrier permettant l’information des présidents de groupe en cas d’opposition du Gouvernement à une proposition de résolution et un amendement du même auteur supprimant l’interdiction pour une proposition de résolution de contenir des injonctions à l’égard du Gouvernement.
Deviennent enfin sans objet deux amendements de M. Jean-Jacques Urvoas limitant, le premier, l’impossibilité de renvoyer à une commission et d’inscrire à l’ordre du jour des propositions de résolution mettant en cause la responsabilité du Gouvernement, le second, l’irrecevabilité aux propositions de résolutions contenant « des injonctions » et non « une injonction » au Gouvernement, un amendement de M. Jean-Claude Sandrier ayant pour but d’imposer au Gouvernement de retenir une appréciation moins subjective à l’égard des propositions de résolution et un amendement de M. Jean-Claude Urvoas consistant à réputer favorable l’avis du Premier ministre relatif à une proposition de résolution sur laquelle il ne s’est pas prononcé.
La Commission adopte ensuite l’article 3 ainsi modifié.
Article 4 : Conditions d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution :
Suivant l’avis de son rapporteur, la Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier de suppression de l’article ainsi qu’un amendement du même auteur imposant l’examen en séance publique après examen en commission de toute proposition de résolution.
Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la Commission examine un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas réduisant de huit jours à deux jours le délai minimum entre l’examen de la proposition de résolution en commission et son inscription à l’ordre du jour.
M. Jean-Jacques Urvoas. Le délai de huit jours envisagé par le projet de loi semble exorbitant au regard du parallélisme des formes. En effet, pour l’inscription à l’ordre du jour d’une motion de censure, texte qui n’a rien d’anodin, la Constitution impose un délai limité à 48 heures. Nous proposons donc un délai identique pour l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution, acte non contraignant qui constitue un simple vœu.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement. En supprimant l’examen en commission, j’estime que nous avons déjà suffisamment simplifié la procédure. Un délai minimum est nécessaire afin de permettre au Gouvernement de se prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution.
La Commission rejette l’amendement.
Après avoir adopté un amendement de cohérence du rapporteur, la Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier instaurant une procédure de discussion commune pour les propositions de résolution ayant le même objet.
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas supprimant tout délai minimum avant l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition déjà discutée.
M. Jean-Jacques Urvoas. Le délai de douze mois avant l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution ayant le même objet est excessif. Le parallélisme avec le délai retenu en matière de proposition de loi n’est pas pertinent car les propositions de résolution ne sont pas de nature législative.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement car je pense au contraire que reprendre le délai applicable pour les propositions de loi est adapté.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas limitant l’impossibilité d’inscrire à l’ordre du jour aux seules propositions de résolution « rédigées dans les mêmes termes » qu’une autre proposition de résolution examinée dans les douze mois précédents.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaite avoir des précisions sur la portée de la restriction apportée par le projet de loi organique. Interdire l’examen à l’ordre du jour des propositions de résolution « ayant le même objet » qu’une autre proposition de résolution examinée dans les douze mois précédents est assez flou et risque de limiter considérablement l’utilité des résolutions, en empêchant le Parlement de se prononcer plusieurs fois sur un même sujet au cours d’une même année.
M. le rapporteur. Le projet de loi organique se borne à interdire l’inscription à l’ordre du jour des propositions de résolution « ayant le même objet », et non pas l’ensemble de celles ayant le même thème. Si on limitait l’interdiction aux propositions de résolution « rédigée dans les mêmes termes », cela reviendrait à retirer tout sens à la disposition puisqu’il suffirait de modifier un ou deux mots d’une précédente proposition de résolution pour rendre sa discussion possible.
La Commission rejette l’amendement.
Après avoir rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier limitant l’application du délai de douze mois aux propositions de résolution ayant le même « objectif » qu’une précédente proposition, la Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas précisant que l’interdiction d’inscription à l’ordre du jour dans un délai de douze mois postérieurement à une autre proposition ayant le même objet concerne uniquement l’assemblée où une telle proposition avait été déposée.
M. Jean-Jacques Urvoas. La rédaction du projet de loi organique est imprécise, ne permettant pas de savoir si le délai s’applique à des propositions de résolution déposées dans les deux chambres du Parlement.
M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par un précédent amendement rédactionnel que la Commission a adopté.
M. René Dosière. Je regrette la position fermée du rapporteur s’agissant des améliorations à apporter au deuxième alinéa de cet article 4, qui enlève toute substance au dispositif de la résolution. L’opposition fait des propositions utiles afin d’améliorer la rédaction de cet alinéa qui sont systématiquement rejetées par le rapporteur, lequel semble arc-bouté sur le texte du Gouvernement.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas substituant au délai de douze mois celui de la durée de la session.
M. Jean-Jacques Urvoas. La rédaction du projet de loi est insuffisamment précise : on ne sait à quoi correspond ce délai d’un an. S’agit-il de l’année civile, de la session parlementaire ?
M. le rapporteur. Je donne un avis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission rejette deux amendements M. Jean-Claude Sandrier abaissant le délai préalable à l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition précédemment examinée respectivement à un et deux mois. La Commission est ensuite saisie de deux amendements identiques de M. Jean-Claude Sandrier et de M. Jean-Jacques Urvoas réduisant ce délai à trois mois.
M. Jean-Jacques Urvoas. M. le président, je trouve que vous allez un peu vite alors qu’un examen approfondi en commission permettrait de faire gagner du temps en séance publique. Je n’ai ainsi pas compris les raisons de l’opposition du rapporteur à notre précédent amendement concernant le point de départ du délai de douze mois.
M. le rapporteur. Ce délai commencera à courir le jour de l’examen de la proposition de résolution : si une proposition est examinée le 15 janvier 2010, aucune autre proposition ayant le même objet ne pourrait l’être avant le 15 janvier 2011.
La Commission rejette l’amendement, de même que huit amendements M. Jean-Claude Sandrier réduisant la durée d’interdiction d’inscription à l’ordre du jour à des délais allant de quatre à onze mois.
La Commission adopte ensuite l’article 4 ainsi modifié.
Article 5 : Conditions d’examen et de vote des propositions de résolution :
Après avoir rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier de suppression de cet article, la Commission est saisie d’un amendement du rapporteur tendant à supprimer le principe selon lequel les membres du Gouvernement sont entendus à leur demande en commission comme en séance sur les propositions de résolution.
M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification : dès lors que l’on supprime l’examen des propositions de résolution en commission, il n’est pas nécessaire de réécrire dans la loi organique un principe consacré à l’article 31 de la Constitution.
La Commission adopte cet amendement, rendant ainsi sans objet six amendements de M. Jean-Jacques Urvoas tendant respectivement à différencier entre commission et séance le régime d’audition du Gouvernement, à obliger le Gouvernement à être entendu si le bureau de la commission ou les signataires d’une proposition de résolution le demandent, à obliger le Gouvernement à être entendu si le rapporteur le demande, à obliger le Gouvernement à être entendu si les signataires de la proposition de résolution le demandent, à rendre systématiquement publics les travaux et débats en commission et à rendre systématiquement publique l’audition du Gouvernement en commission.
La Commission, après avoir rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier tendant à la suppression du deuxième aliéna de l’article, est saisie d’un amendement du rapporteur tendant à substituer à ce même aliéna deux alinéas précisant qu’une proposition de résolution peut être rectifiée par son auteur ou son premier signataire après son inscription à l’ordre du jour.
M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement qui tire les conséquences de la suppression de l’examen des propositions de résolution en commission.
Mme Delphine Batho. Je souhaite obtenir des précisions sur cet amendement pour bien comprendre le mécanisme que vous proposez : qui détiendra le pouvoir de rectification ? l’auteur de la résolution ? son premier signataire ? quand pourra-t-il le faire ? J’aimerais que vous nous précisiez les choses, Monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur. Par cet amendement, j’essaie d’introduire une souplesse, que j’estime nécessaire, dans le dispositif mis en place par le projet de loi organique : il s’agit de permettre à l’auteur ou au premier signataire de la proposition de résolution de rectifier celle-ci, à l’image de ce qui prévaut pour le droit d’amendement. Si la proposition de résolution ne peut faire l’objet d’amendements extérieurs, dans le souci de protéger les auteurs mêmes de celle-ci, il pourra s’avérer utile pour eux de pouvoir, au cours du débat, rectifier leur texte afin qu’il puisse être adopté : corriger un mot, une phrase, préciser des termes… Cette possibilité de rectification, ouverte entre l’inscription de la proposition de résolution à l’ordre du jour et sa mise aux voix, doit cependant être conciliée avec le pouvoir du Gouvernement de déclarer irrecevable une telle proposition, en application du dernier alinéa de l’article 34-1 de la Constitution. Je ne vous cache pas que le mécanisme mis en place par cet amendement va aussi loin qu’il est possible dans le respect du texte constitutionnel.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaiterais interroger le rapporteur sur la différence qu’il fait entre droit de rectification et droit d’amendement ; les choses ne sont pas très claires.
M. le rapporteur. Il existe deux différences, la première tenant à l’auteur de la modification qui dans le cadre d’une rectification ne peut être que l’auteur ou le premier signataire de la proposition, et la seconde au fait qu’une rectification n’est pas mise aux voix en tant que telle : c’est le texte rectifié qui est directement soumis au vote de l’Assemblée.
M. Arnaud Montebourg. Le mécanisme mis en place par cet amendement est intelligent et il faut l’adopter. Je salue l’effort du rapporteur, il en faudra d’autres !
La Commission adopte cet amendement, rendant ainsi sans objet cinq amendements de M. Jean-Jacques Urvoas, tendant respectivement à préciser que le texte mis aux voix en séance est celui issu de la commission, le cas échéant amendé par ses signataires, à supprimer le principe de l’irrecevabilité des amendements, à remplacer la notion de rectification par celle d’amendement, et à prévoir la possibilité pour les signataires d’une proposition de résolution de retirer celle-ci « à tout moment ».
La Commission adopte ensuite l’article 5 ainsi modifié.
Après l’article 5 :
La Commission rejette deux amendements de M. Jean-Claude Sandrier tendant respectivement à prévoir que les propositions de résolution adoptées en séance publique ont « une valeur contraignante » et à prévoir que les règlements des assemblées parlementaires doivent déterminer les règles d’inscription à l’ordre du jour d’un minimum de propositions de résolution émanant des groupes de l’opposition et des groupes minoritaires.
Chapitre II
Dispositions relatives à la présentation des projets de loi
Article 6 : Exposé des motifs des projets de loi :
La Commission adopte cet article sans modification.
Article 7 : Documents d’évaluation préalable. Contenu de l’évaluation préalable. Principe de proportionnalité de l’évaluation préalable :
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à réécrire l’article 7.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je m’étonne du choix qui a été fait par le Gouvernement de retenir la formulation de « travaux d’évaluation préalable » au lieu de la formule habituelle d’« étude d’impact », que tout le monde connaît et qui fait l’objet d’une jurisprudence constante du Conseil d’État. Pour quelle raison ne pas maintenir cette terminologie ? Je me suis laissé dire d’ailleurs que le Conseil d’État avait émis un avis défavorable à ce changement lorsqu’il a été consulté sur le présent projet de loi organique. Le retour à cette terminologie constitue un des objets de l’amendement que je présente, sans esprit de polémique ou partisan, je le souligne, amendement qui précise en outre explicitement que le Gouvernement doit transmettre cette étude d’impact au Conseil d’État en même temps que l’avant–projet de loi dont il est saisi pour avis, ce qui lui permettra d’exercer au mieux sa fonction consultative.
L’amendement vise en outre à établir une liste très précise des documents qui devront être présentés par le Gouvernement, afin de s’assurer de leur exhaustivité. Nous considérons que le texte proposé par le Gouvernement s’exonère très largement d’un certain nombre d’obligations ; il convient au contraire d’écrire les choses très précisément.
M. le rapporteur. Favorable au fond de votre amendement, je vous invite cependant à le retirer au bénéfice de quatre amendements que j’ai déposés un peu plus loin à cet article et qui vont même parfois au-delà du vôtre. Ces amendements reprennent le principe de l’envoi des travaux d’évaluation au Conseil d’État avant que celui-ci ne rende son avis sur le projet de loi, ils précisent que ces documents doivent faire état des législations existantes et de leur application, y compris outre-mer, des options possibles, de l’impact financier « pour chaque catégorie d’administrations publiques », c'est-à-dire en détaillant les coûts et les gains tant pour l’État que pour les collectivités territoriales et la Sécurité Sociale, mais aussi de l’impact financier, s’il existe pour le tissu économique et notamment pour les PME, à l’image de ce qui prévaut en Europe. Devra aussi être indiqué l’impact sur l’emploi public. Ces amendements précisent en outre que le Gouvernement devra indiquer les méthodes calcul retenues, et ne pourra donc se contenter d’asséner un chiffre brut inexploitable. C’est sur la base de toutes ces informations que pourra s’ouvrir le débat devant le Parlement.
S’agissant des autres points que vous soulevez, je vous indique que les amendements que je propose maintiennent les consultations prévues par le texte et, s’agissant du dernier alinéa de l’article, après avoir hésité, je me suis rangé à l’avis qu’il ne fallait prévoir qu’un seul type d’évaluation préalable, sans introduire de proportionnalité selon l’ampleur de la réforme proposée et de son urgence. Les questions posées doivent être les mêmes sur tous les textes, même si les réponses elles-mêmes seront bien évidemment plus ou moins nourries selon l’importance des projets. En tout état de cause, une étude juridique complète du droit existant sera exigée pour tous les textes. En revanche, il va de soi que les projets de loi d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances comporteront moins d’éléments, le Gouvernement ne connaissant pas précisément à l’avance le contenu de ces textes.
M. Jean-Jacques Urvoas. Qu’en sera-t-il des lois de ratification d’ordonnances ?
M. le rapporteur. Leur régime n’est pas modifié.
M. le Président. M. Urvoas maintenez vous votre amendement ?
M. Jean-Jacques Urvoas. Au bénéfice des explications du rapporteur, il est retiré.
M. René Dosière. Si les amendements que vient de présenter le rapporteur répondent bien à l’esprit de notre amendement, il est une de nos préoccupations qui n’a pas été retenue, celle de la substitution de la notion classique d’« étude d’impact » à celle de « travaux d’évaluation préalable » !
M. le rapporteur. Je ne suis nullement opposé à ce changement que j’avais dans un premier temps estimé secondaire par rapport à toutes les autres précisions que je souhaitais apporter.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je rappelle que le Conseil d’État lui-même est favorable à une telle modification.
M. Bertrand Pancher. Je souhaiterais interroger le rapporteur sur la question des consultations préalables à la saisine du Conseil d’État. Que deviennent-elles avec vos amendements ?
M. le rapporteur. Mes amendements ne modifient pas le troisième alinéa de l’article 7 sur ce point ; elles sont donc maintenues.
M. Étienne Blanc. Les termes « étude d’impact » sont connus de tous. Je crois que la suggestion de nos collègues socialistes va dans le sens de la simplification du texte.
M. le rapporteur. Un tel changement suppose un simple amendement au premier alinéa de l’article 7. Je vous propose de le déposer en séance pour que nous puissions l’examiner lors de la réunion que nous tiendrons en application de l’article 88 de notre Règlement.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je crois qu’il serait plus simple de réécrire totalement l’article 7, dans un souci de plus grande lisibilité de nos travaux.
M. Guy Geoffroy, président. Je suggère qu’à l’occasion de la réunion tenue en application de l’article 88, nous puissions disposer d’une version consolidée de l’article 7 qui tiendrait compte de l’ensemble des amendements adoptés, ainsi que de celui annoncé par le rapporteur au premier alinéa.
La Commission est alors saisie de trois amendements de M. Jean-Jacques Urvoas tendant respectivement à prévoir la transmission des avis rendus par le Conseil d’État aux assemblées parlementaires, dès leur communication au Gouvernement, à rendre le Conseil d’État destinataire de l’étude d’impact accompagnant les projets de loi et à prévoir que les informations communiquées aux assemblées parlementaires soient bien constituées de l’ensemble des travaux d’évaluation préalable réalisés par le Gouvernement.
M. Jean-Jacques Urvoas. Au bénéfice des précisions apportées par le rapporteur dans ses amendements qui vont suivre, je retire ces trois amendements.
Puis, la Commission est saisie d’un amendement du rapporteur tendant à préciser que les documents rendant compte de l’évaluation préalable d’un projet de loi doivent être transmis au Conseil d’État.
M. le rapporteur. Il s’agit du premier des amendements que j’annonçais tout à l’heure. Il vise à éviter que l’évaluation préalable ne soit confectionnée au dernier moment et que le Conseil d’État puisse en être privé.
La Commission adopte cet amendement. Elle rejette ensuite un amendement de M. Jean-Claude Sandrier tendant à soumettre les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour des assemblées parlementaires aux mêmes exigences que les projets de loi.
La Commission adopte ensuite un amendement du rapporteur tendant à préciser que les documents d’évaluation préalable sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent. Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à préciser que le Conseil constitutionnel est chargé d’évaluer la réalité et la sincérité des travaux d’évaluation préalable.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement ne fait nullement œuvre d’originalité : il s’agit de la reprise d’une des suggestions faites par le Président de notre commission devant le comité Balladur.
M. le rapporteur. Je rappelle seulement qu’entre cette déclaration et aujourd’hui est intervenue la révision constitutionnelle qui a introduit à l’article 39 un mécanisme qui satisfait cette exigence. Son avant-dernier alinéa dispose en effet : « Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours ». Je ne suis donc pas favorable à votre amendement.
La Commission rejette cet amendement. Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Guy Geoffroy tendant à prévoir que l’évaluation qui accompagne un projet de loi doit comprendre une analyse de l’impact de la loi en termes d’égalité entre les hommes et les femmes.
M. Guy Geoffroy, président. Je rappelle que la législation n’est pas nécessairement neutre dans ses répercussions sur la situation respective des femmes et des hommes. Une analyse de ces effets doit donc pouvoir accompagner tous les projets de loi, c’est l’objet de mon amendement.
M. le rapporteur. Je suis favorable à cette précision sur le fond, à condition que votre amendement soit transformé en sous-amendement à un de mes prochains amendements avec lequel il est incompatible formellement.
M. Guy Geoffroy, président. Je transforme mon amendement en sous-amendement à l’amendement de notre rapporteur visant à préciser le contenu des évaluations préalables.
Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la Commission est saisie d’un amendement du même auteur tendant à préciser que l’évaluation préalable devra comporter une appréciation de l’application de la législation existante, tant en métropole que dans les collectivités ultramarines.
M. le rapporteur. Il s’agit du deuxième amendement évoqué précédemment : j’estime important que le Gouvernement informe précisément le Parlement de l’application de la législation existante, non seulement en métropole mais aussi outre-mer, tant nous savons les difficultés qui entourent parfois la détermination du droit qui y est applicable.
La Commission adopte cet amendement, ainsi qu’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à enrichir l’évaluation préalable des projets de loi par une analyse du droit comparé, européen et communautaire. Elle est ensuite saisie d’un amendement du rapporteur visant à préciser le contenu des évaluations préalables.
M. le rapporteur. Il s’agit du troisième des amendements évoqués précédemment. Il vise à prévoir que pour chaque catégorie d’administrations publiques, ainsi que pour les personnes physiques et morales intéressées, les conséquences tant économiques que financières, sociales et environnementales d’un projet de loi devront être détaillées. Il prévoit aussi, le cas échéant, une évaluation de l’impact sur l’emploi public. Il impose enfin au Gouvernement de préciser les méthodes de calcul retenues s’agissant de l’impact financier des mesures proposées.
M. Guy Geoffroy, président. Je mets d’abord aux voix le sous-amendement que j’avais présenté précédemment, puis l’amendement du rapporteur.
La Commission adopte le sous-amendement de M. Guy Geoffroy prévoyant qu’une analyse de l’impact de la législation proposée sur l’égalité entre les femmes et les hommes est jointe à l’étude d’impact, ainsi que l’amendement du rapporteur ainsi sous-amendé. Elle rejette ensuite un amendement de M. Jean-Claude Sandrier visant à remplacer le terme « évaluation » par ceux d’« analyse approfondie » au deuxième aliéna de l’article.
Après avoir adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur, la Commission adopte un amendement du même auteur visant à prévoir que l’étude d’impact devra analyser l’application outre-mer de la législation nouvelle, puis elle adopte un amendement rédactionnel du même auteur.
Elle est ensuite saisie d’un amendement du rapporteur tendant à préciser que les documents d’évaluation préalable doivent également comprendre la liste des textes d’application nécessaires, mentionner leurs principales dispositions et le délai prévisionnel de leur publication.
M. le rapporteur. C’est un amendement important. Je ne vous cache pas qu’il n’a pas reçu l’assentiment du Gouvernement à ce stade….
M. Philippe Gosselin. C’est une révolution !
La Commission adopte cet amendement, ainsi qu’un amendement du même auteur visant à prévoir que les documents d’évaluation préalable comprennent un calendrier prévisionnel d’évaluation de la nouvelle législation.
Elle est ensuite saisie de trois amendements identiques tendant à supprimer le dernier aliéna de l’article 7, respectivement du rapporteur, de M. Jean-Jacques Urvoas et de M. Jean-Claude Sandrier.
M. le rapporteur. Il s’agit du dernier des amendements que j’avais évoqués précédemment : il supprime l’existence d’un régime « allégé » d’évaluation préalable qui serait fonction de l’ampleur de la réforme proposée.
La Commission adopte ces trois amendements. En conséquence, deviennent sans objet deux amendements de repli de M. Jean-Jacques Urvoas, tendant respectivement à préciser qu’il revient au Conseil constitutionnel d’estimer en quoi l’ampleur de la réforme proposée ou son urgence pourrait influer sur le contenu de l’évaluation préalable et à supprimer la notion d’urgence.
La Commission adopte ensuite l’article 7 ainsi modifié.
M. René Dosière. Avant d’aborder l’article 8 du projet de loi organique, j’aimerais, Monsieur le rapporteur, que vous nous éclairiez sur les justifications de l’emploi de l’expression « le cas échéant » s’agissant de la dimension relative aux collectivités ultra-marines des études d’impact accompagnant les projets de loi.
M. le rapporteur. Les études d’impact ne devront s’intéresser aux collectivités d’outre-mer que si le besoin est avéré et en fonction du statut des collectivités concernées ; autrement dit, à chaque fois que nécessaire. Je rappelle à la commission que j’ai adressé, il y a quelques mois, un courrier au Président de l’Assemblée nationale l’invitant à sensibiliser les différentes commissions permanentes à l’importance de l’application des dispositions législatives outre-mer ainsi que sur leurs responsabilités en la matière.
M. Guy Geoffroy, président. En tout état de cause, si des précisions sémantiques s’avéraient nécessaires sur ce point, à l’article 7, notre commission pourrait y procéder dans le cadre de sa réunion sur le fondement de l’article 88 du règlement.
M. le rapporteur. J’observe que la physionomie de l’article 7 telle qu’elle ressort des modifications adoptées par notre commission n’aura, en tout état de cause, pas grand-chose à voir avec ce qu’elle était initialement.
Après l’article 7 :
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à interdire au Gouvernement de déposer des amendements portant articles additionnels sur ses propres projets de loi.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement reprend l’une des propositions du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, présidé par M. Edouard Balladur. Il vise à restreindre le droit d’amendement du Gouvernement, comme la référence de l’article 34-1 de la Constitution au cadre fixé par la loi organique en offre l’opportunité.
Je ne doute pas que le rapporteur ne soit pas loin de souscrire à cette suggestion, lui qui s’était indigné à juste titre, lors de l’examen en première lecture de sa proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, du dépôt en dernière minute par le Gouvernement d’amendements relatifs à la réforme de l’équarrissage, examinés dans des conditions déplorables et sans l’expertise suffisante.
M. Claude Goasguen. Je suis personnellement favorable à une telle disposition.
M. le rapporteur. Je vous soumettrai pour ma part une proposition d’équilibre alternative, à un autre endroit du texte.
La Commission rejette cet amendement.
Article 8 : Délai pour constater que les règles fixées par le présent chapitre sont méconnues :
La Commission examine un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas réécrivant cet article afin de donner la possibilité à la Conférence des présidents de chaque assemblée de formuler un avis sur les conditions de recevabilité des projets de loi.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement vise à permettre à la chambre qui n’a pas été saisie en première lecture de formuler un avis sur les conditions de recevabilité du projet de loi qui lui est soumis. Du fait de la rédaction de l’article 39, alinéa 4, de la Constitution, une acceptation de la part de la première assemblée saisie en première lecture vaut pour la seconde assemblée qui n’a donc pas à se prononcer sur cette même recevabilité. Grâce à cet amendement, la seconde assemblée saisie serait également obligatoirement consultée, sachant que si son avis est obligatoire, il pourrait ne pas être suivi.
M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement est utile et constructif. Imaginez la situation où le Sénat aurait à examiner un texte adopté par l’Assemblée nationale en s’estimant insuffisamment informé alors que les députés auraient considéré le contraire !
M. le rapporteur. Lors de la révision constitutionnelle, le constituant a clairement fait un choix différent de celui qui est proposé dans cet amendement. Nous devons en rester au seul avis de la première assemblée saisie.
M. René Dosière. Je considère qu’il est scandaleux que, par les dispositions qui nous sont soumises, l’Assemblée nationale soit reléguée au même plan que le Sénat, qui n’est élu qu’au suffrage universel indirect. Je déplore la tendance de ces dernières années consistant à donner la priorité au Sénat pour l’examen de certains textes, et notamment ceux concernant le statut des collectivités territoriales.
M. le rapporteur. Je vous rappelle que la priorité ne sera plus conférée au Sénat pour ce qui concerne les textes relatifs aux Français de l’étranger. En outre, les études d’impact seront toutes rendues publiques et, par conséquent, accessibles à tous les parlementaires.
La Commission rejette cet amendement.
Puis, la commission adopte un amendement du rapporteur accordant à la Conférence des présidents toute latitude pour se prononcer ou non sur le respect des règles organiques relatives à la présentation des projets de loi.
La Commission est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas visant à assurer l’effectivité de l’obligation pesant sur le Gouvernement de présenter les travaux d’évaluation préalable de ses projets de loi.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement précise la règle de vote applicable à la Conférence des présidents, lorsqu’elle statue sur le respect des règles organiques relatives à la présentation des projets de loi. Étant donné que la Conférence des présidents de la première assemblée saisie se prononcera, de fait, pour son homologue, il convient de prévoir, au minimum, une exigence d’unanimité.
M. le rapporteur. Il s’agit là d’une conception curieuse de la démocratie, la minorité emportant la décision de la Conférence des présidents.
M. René Dosière. On ne peut parler de blocage, dès lors que l’effet réside uniquement dans la saisine du Conseil constitutionnel.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à prévoir que, lorsqu’elle ne se prononce pas dans le délai de dix jours à compter du dépôt, la Conférence des présidents est réputée ne pas avoir constaté la méconnaissance des règles organiques relatives à la présentation des projets de loi.
M. Jean-Jacques Urvoas. Il s’agit d’un amendement de clarification.
M. le rapporteur. Cet amendement est en réalité satisfait par l’amendement qui vient d’être adopté et je vous suggère de le retirer.
L’amendement est retiré par son auteur.
Puis, la Commission rejette un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à prévoir une saisie immédiate de la Conférence des présidents de la seconde assemblée saisie après l’avis de celle de la première chambre.
La Commission adopte ensuite l’article 8 ainsi modifié.
Article 9 : Examen des conditions de présentation des projets de loi par le Conseil constitutionnel :
La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur puis l’article 9 ainsi modifié.
Article 10 : Dérogations à l’obligation de joindre une évaluation préalable. Régime dérogatoire de l’évaluation préalable des projets de loi d’habilitation et des projets de loi autorisant la ratification d’accords internationaux :
La Commission examine deux amendements de suppression de cet article déposés par MM. Jean-Jacques Urvoas et Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Jacques Urvoas. Même améliorée par les apports de la Commission, la procédure des études d’impact se trouve considérablement limitée par les exonérations apportées par cet article 10 du projet de loi organique. Nous souhaitons y remédier par sa suppression.
M. Claude Goasguen. Ce que vient de souligner M. Urvoas mérite que l’on s’y attarde, tout particulièrement pour ce qui concerne les lois de finances, justification première de l’existence et de la légitimité des Parlements. Nous ne pouvons nous contenter, en la matière, d’études d’impact univoques, diligentées par une administration dont chacun reconnaît les mérites mais aussi les travers.
M. le rapporteur. Je ne nie pas les imperfections du dispositif initialement proposé par le Gouvernement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suggèrerai à la Commission quelques changements qui devraient satisfaire, au moins en partie, les auteurs de cet amendement.
M. Jean-Christophe Lagarde. Afin d’éclairer nos débats, quels sont précisément les changements que vous comptez nous présenter, M. le rapporteur ?
M. le rapporteur. Je compte vous soumettre des amendements réintroduisant dans le champ de l’article 7, relatif aux études d’impact, les projets de loi de finances ainsi que de financement de la sécurité sociale, sous certaines réserves afin de ne pas contrevenir aux délais d’examen prévus par la Constitution, ainsi que les projets de loi et les dispositions législatives habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances.
M. René Dosière. Pourquoi assortir de restrictions l’accompagnement des projets de loi de financement de la sécurité sociale d’études d’impact ?
M. le rapporteur. Parce qu’ils répondent eux-aussi à des exigences constitutionnelles s’agissant de leurs délais d’examen.
M. Jean-Jacques Urvoas. Qu’en sera-t-il des projets de loi de ratification d’ordonnances, dont chacun sait qu’elles sont devenues la législation administrative ? Il semble nécessaire de pouvoir apprécier, en l’espèce, leurs conséquences telles qu’elles ont été constatées et non d’avoir une analyse prospective à leur sujet.
M. le rapporteur. L’article concerne l’évaluation préalable de projets de loi. Les ordonnances, elles, sont ratifiées quand elles produisent déjà leurs effets juridiques. Il s’agit donc de deux situations bien différentes.
M. Guy Geoffroy, président. La question des ordonnances n’est pas anodine. Nous avons pu constater, pas plus tard qu’hier, lors de l’examen en séance du projet de loi de ratification de l’ordonnance portant réforme de la filiation, que le législateur peut être amené, en pareille occasion, à corriger certaines erreurs du texte gouvernemental. Cela conforte l’utilité de pouvoir pleinement mesurer les effets de ces textes.
M. Arnaud Montebourg. L’appréciation de l’impact des ordonnances est importante en ce qu’elle consiste à évaluer les effets d’un texte à valeur règlementaire que le Gouvernement souhaite voir solennisé par le Parlement afin de le soustraire au risque de contentieux administratif. Le moins que l’exécutif puisse faire, en pareil cas, est de transmettre au Parlement une analyse des effets du texte que son administration a rédigé.
Le procédé des ordonnances est employé par chaque gouvernement, quel qu’il soit, surtout pour transcrire des dispositions extrêmement techniques, résultant le plus souvent de directives européennes. Le Parlement doit obliger l’administration, qui est à l’initiative de ce type de textes, à s’expliquer et à se justifier avant d’obtenir toute ratification.
M. le rapporteur. Je suis sensible aux arguments employés par les uns et les autres. Je vais réfléchir à la question. Peut-être est-il envisageable de prévoir une sorte d’évaluation complémentaire spécifique au cas des lois de ratification d’ordonnances ? Je rappelle toutefois que les études d’impact seront extrêmement complètes pour les autres projets de loi.
M. Claude Goasguen. J’invite le rapporteur à saisir l’opportunité de la présentation d’amendements sur le fondement de l’article 88 du règlement pour améliorer deux points importants de cet article.
Le premier concerne les lois de finances. Il convient de prévoir un contrôle préalable en ce domaine, car nous devons nous méfier de la présentation souvent univoque de ces textes par l’administration de Bercy.
Le second porte sur les projets de loi de ratification d’ordonnances. Si l’on ne peut envisager des études d’impact à proprement parler, une évaluation de leurs conséquences semble absolument nécessaire.
Personnellement, je souhaite que l’on tienne compte des remarques formulées par un certain nombre de nos collègues sur ces deux aspects.
M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai bien compris les raisons qui justifient les réserves apportées aux études d’impact qui concerneront les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Pour autant, je suggère à notre rapporteur d’envisager un mécanisme qui pénaliserait le Gouvernement s’il se risquait à présenter une évaluation de ces projets qui soit totalement surréaliste.
Je souhaite également insister sur la question des ordonnances. Le constituant a, sur proposition de notre rapporteur, prévu qu’elles soient ratifiées de manière explicite. À situation nouvelle, obligations nouvelles pour le Gouvernement. Il lui faut évaluer l’impact de ces textes.
M. Guy Geoffroy, président. Je rappelle à nos collègues que le seul dépôt d’un projet de loi de ratification suffit à éviter qu’une ordonnance ne devienne caduque. Nombre de ces projets ne sont pas pour autant débattus par le Parlement, de sorte que ces textes conservent une valeur règlementaire.
M. le rapporteur. Pour mémoire, je rappelle que l’article 47 de la Constitution dispose :
« Si l'Assemblée Nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.
Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance. »
Substantiellement, l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale est fondamental pour le pays. Nous pouvons nous enorgueillir que ces délais constitutionnels aient toujours été tenus, de sorte qu’aucun gouvernement n’a eu à mettre en œuvre la procédure de provision par douzièmes pour garantir la continuité de l’État.
Il nous appartient de veiller à ne pas remettre en cause l’efficacité de ces règles. Par ailleurs, se pose le problème d’un risque éventuel d’annulation de dispositions des lois de finances et de financement de la sécurité sociale dont l’évaluation a priori n’aurait pas été suffisante.
M. Claude Goasguen. Je souhaite que sans affecter le respect des délais constitutionnels, les parlementaires puissent dénoncer des études d’impact fallacieuses. La loi de finances est au centre des fondements du système parlementaire. Son examen doit se faire dans des conditions de sincérité et de sérieux incontestables.
M. le rapporteur. Avant d’en venir au vote, je pense que, compte tenu des avancées soumises à notre Commission, vous aurez satisfaction sur l’enjeu de l’évaluation. Pour ce qui concerne le travail parlementaire, notamment à l’occasion de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, il me semble qu’il appartiendra aussi aux rapporteurs de produire des contre-études d’impact. En outre, rien ne nous interdira d’employer la semaine mensuelle réservée au contrôle de l’action gouvernementale à ce type d’évaluations. A nous de modifier nos méthodes de travail afin de nous adapter au nouveau cadre institutionnel issu de la révision constitutionnelle de juillet dernier.
La Commission rejette les deux amendements de suppression.
La Commission rejette l’amendement de M. Jean-Claude Sandrier prévoyant que l’article 7 s’applique à tous les projets de loi, puis trois amendements de M. Jean-Jacques Urvoas, le premier incluant dans le champ de l’article 7 les projets de révision constitutionnelle, le deuxième y incluant les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale et le troisième y incluant les projets de loi de programmation.
La Commission adopte un amendement du rapporteur excluant les seules lois de programmation relatives aux finances publiques de l’obligation de présentation de documents d’évaluation, et non l’ensemble des lois de programmation.
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas incluant dans le champ de l’article 7 les projets de loi de ratification d’ordonnances.
La Commission examine un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas incluant dans le champ de l’article 7 les projets de loi relatifs aux états de crise.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho. Pouvez-vous motiver votre refus ?
M. le rapporteur. Ces projets de loi sont par nature soumis à des délais d’examen restreints. Il convient donc de ne pas bloquer le processus législatif par une procédure qui en retarderait l’examen de dix jours.
M. Dominique Raimbourg. Quelle est la définition d’un « état de crise », cela vise-t-il un état de siège, le terme est-il vraiment approprié ?
M. le rapporteur. Il s’agit notamment des projets de loi prolongeant l’état d’urgence.
M. Noël Mamère. Il convient d’éclaircir le flou entourant cette notion, et de s’interroger par la même occasion sur la notion d’état d’urgence.
M. le rapporteur. Je n’exclus pas d’examiner d’ici à la réunion de l’article 88 les améliorations rédactionnelles qui pourraient être apportées.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission adopte deux amendements du rapporteur, le premier prévoyant que les dispositions qui ne figurent pas obligatoirement dans un projet de loi de finances doivent faire l’objet d’une évaluation et le second prévoyant une disposition similaire pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier supprimant le deuxième alinéa de l’article, afin que les projets de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances fassent l’objet d’une évaluation préalable.
La Commission adopte un amendement du rapporteur précisant que l’obligation de présentation de documents d’évaluation préalable concerne les « dispositions » d’habilitation, puisqu’un projet de loi peut n’être pas exclusivement consacré à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances.
La Commission adopte un amendement du rapporteur précisant qu’en matière d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances, les documents rendant compte de la législation existante, des objectifs poursuivis et des options possibles en dehors du recours à l’habilitation sont aussi complets que pour les autres projets de loi.
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier supprimant le troisième alinéa de l’article, afin que tous les projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales fassent l’objet d’une évaluation préalable.
Puis la Commission adopte l’article 10 ainsi modifié.
M. Claude Goasguen. Il conviendra d’examiner, lors de la réunion qui se tiendra en application de l’article 88 du Règlement, les aménagements souhaitables de cet article.
M. le rapporteur. Quoi qu’il en soit, je souligne de nouveau que l’article 10 issu des travaux de la Commission est très différent de celui proposé dans le projet de loi.
Après l’article 10 :
La Commission examine un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que la discussion en séance d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir avant un délai de deux semaines à compter de la publication du rapport de la Commission.
M. Jean-Jacques Urvoas. J’observe que plus les articles du projet de loi sont modifiés par la Commission, plus ils sont susceptibles de devenir acceptables par l’opposition…
L’article 42, alinéa 3, de la Constitution impose un délai de six semaines entre le dépôt d’un texte et son examen en séance. Il faut donc que le rapport de la Commission soit disponible le plus tôt possible.
M. le rapporteur. Cet amendement n’entre pas dans le champ du projet de loi organique. Il concerne le règlement notre Assemblée.
M. René Dosière. Le texte de la Commission étant celui discuté en séance, il sera encore plus essentiel qu’aujourd’hui que les députés puissent prendre connaissance du rapport en amont.
M. le rapporteur. Je suis particulièrement sensible à cette préoccupation. Pour améliorer la qualité du travail législatif, il est important que l’essentiel des amendements soient déposés le plus tôt possible.
M. René Dosière. La lecture du rapport permet de découvrir des choses qui donnent des idées d’amendements supplémentaires.
Mme Martine Billard. Ces dispositions s’appliqueront-elles si le texte est soumis à la procédure accélérée ?
M. le rapporteur. La procédure accélérée permettra de s’exonérer des délais d’examen mais pas de l’obligation de déposer des documents d’évaluation préalable.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas instituant un contrôleur juridique dans chaque ministère. Puis elle rejette un amendement du même auteur instaurant au sein de chaque assemblée parlementaire un comité d’audit parlementaire.
Chapitre III
Dispositions relatives à l’exercice du droit d’amendement
Avant l’article 11 :
La Commission examine un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas visant à garantir le droit d’amendement.
M. Jean-Jacques Urvoas. Il s’agit de garantir le droit d’amendement car le projet de loi organique va donner aux règlements la possibilité de restreindre ce droit.
M. le rapporteur. Cet amendement est contraire à certains points pourtant approuvés au sein du groupe de travail constitué par le président Bernard Accoyer. Il n’est pas possible de prévoir une possibilité de déposer des amendements « à tout moment de l’examen du texte ». Toutefois, je vous propose que, si la Commission ou le Gouvernement déposent des amendements hors délai, la forclusion ne soit plus applicable aux parlementaires et qu’ils disposent d’un temps de parole supplémentaire de ce fait.
La Commission rejette l’amendement.
Article 11 : Conditions de présentation, délais de recevabilité et modalités d’examen et de vote des amendements :
La Commission rejette un amendement de suppression de l’article de M. Jean-Claude Sandrier.
La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur puis un amendement de précision du même auteur, rendant sans objet un amendement similaire de M. Jean-Jacques Urvoas.
La Commission examine un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que les sous-amendements et d’autres amendements que ceux déposés par la Commission saisie au fond ou le Gouvernement sont recevables après l’expiration des délais.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement vise à éviter une contradiction avec l’article 99 du Règlement qui fixe le délai de forclusion, en cas de dépôt tardif du rapport, au début de la discussion générale, alors que le projet de loi organique le fixe au début de l’examen du texte. Cela est d’autant plus choquant que les députés devront connaître le texte adopté par la Commission pour pouvoir déposer des amendements.
M. le rapporteur. Je vais proposer en tout état de cause un amendement qui permettra la levée de la forclusion sur un amendement.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier permettant de ne pas opposer la forclusion aux amendements déposés par des membres de la commission saisie au fond.
La Commission examine un amendement du rapporteur précisant que lorsqu’un amendement du Gouvernement ou de la commission est déposé hors délai, les parlementaires peuvent de nouveau déposer pendant les vingt-quatre heures suivantes des amendements portant sur l’article qu’il est proposé d’amender ou venant en concurrence avec l’amendement déposé s’il porte article additionnel.
M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement est indispensable pour établir l’équité entre le Gouvernement et le Parlement. Il convient aussi, dans la procédure du temps organisé, de prévoir que la défense des nouveaux amendements déposés par les parlementaires ne soit pas décomptée du temps de parole initialement accordé.
La Commission adopte cet amendement.
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier prévoyant que le Gouvernement ne peut pas être présent lors de l’examen des textes en commission.
La Commission adopte un amendement du rapporteur précisant que la présence du Gouvernement en commission n’est qu’une faculté, tout en étant de droit à sa demande.
La Commission adopte un amendement du rapporteur prévoyant que les règlements des assemblées pourront fixer un délai de dépôt aux amendements parlementaires en commission.
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que la discussion en séance d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir avant un délai de deux semaines à compter de la publication du rapport de la Commission.
La Commission adopte l’article 11 ainsi modifié.
Article additionnel après l’article 11 : Évaluation préalable des amendements du Gouvernement :
La Commission examine un amendement du rapporteur disposant que les règlements des assemblées peuvent prévoir que les amendements du Gouvernement doivent faire l’objet d’une évaluation préalable à la demande du président de l’assemblée saisie, du président de la Commission ou d’un président de groupe.
M. le rapporteur. Cet amendement propose une condition particulière applicable aux amendements du Gouvernement.
M. René Dosière. Pour en améliorer la rédaction, je suggère d’intervertir les propositions dans la phrase proposée par le rapporteur.
M. Guy Geoffroy, président. Je suggère d’adopter l’amendement en l’état et d’examiner si sa rédaction peut être améliorée d’ici à la réunion de l’article 88.
La Commission adopte cet amendement.
M. le rapporteur. Je vous laisse deviner quel est l’avis du Gouvernement sur un tel amendement…
Article additionnel après l’article 11 : Évaluation préalable des amendements parlementaires :
La Commission examine un amendement du rapporteur prévoyant que les règlements des assemblées peuvent déterminer les conditions dans lesquelles des amendements parlementaires peuvent faire l’objet d’une évaluation préalable.
M. le rapporteur. L’idée est de permettre d’évaluer l’impact d’un amendement qui modifie l’équilibre général d’un projet de loi. Par exemple, un amendement de la commission des Lois a étendu le champ d’application de la rétention de sûreté. Son impact était considérable et il aurait pu opportunément faire l’objet d’une étude. J’ajoute que l’auteur de l’amendement pourra demander lui-même cette étude d’impact.
Mme Delphine Batho. Il est à craindre que cette proposition puisse constituer une restriction au droit d’amendement. Si l’identité des personnes susceptibles de mettre en œuvre ce dispositif pour ce qui concerne les amendements du Gouvernement est clairement définie, il n’en est pas de même dans le cas des amendements parlementaires. Il existe donc un risque que cette procédure soit employée pour faire obstacle au droit d’amendement, notamment si l’objectif recherché est de montrer que le dispositif proposé est particulièrement coûteux.
M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe Nouveau Centre est très favorable aux propositions du rapporteur, mais il est très réservé sur celle-ci. Il y a effectivement un risque de déstabilisation du droit d’amendement. Il faudrait restreindre aux seuls signataires de l’amendement la possibilité de formuler une demande d’étude d’impact. Il convient d’éviter qu’une évaluation préalable, qui ne serait pas contradictoire, puisse laisser penser qu’un amendement aura des conséquences catastrophiques. Dans ce cas, il y aurait un affaiblissement du droit d’amendement.
Mme Delphine Batho. À cet égard, je regrette la disparition du service des études au sein de l’Assemblée nationale, qui permettait de réaliser des évaluations.
M. le rapporteur. La disposition relative aux amendements du Gouvernement est plus détaillée car elle ne pourra pas être précisée dans les règlements des assemblées. Dans l’amendement relatif aux amendements parlementaires, il convient de laisser à chaque assemblée le soin de mettre en œuvre cette disposition. Il convient aussi que le Parlement dispose d’un outil interne d’évaluation pour effectuer des expertises, afin que cette compétence ne soit pas l’apanage du Gouvernement. Ce dispositif ne doit pas être un obstacle au droit d’amendement. On pourrait imaginer que les présidents de groupe puissent la mettre en œuvre. En toute hypothèse, ce dispositif ne pourra pas être un critère d’irrecevabilité d’un amendement.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis d’accord avec l’amendement s’il permet aux auteurs d’amendements de mieux évaluer la portée de leurs propositions, avec l’assistance d’un organe interne à l’assemblée. Mais il faut que la loi organique garantisse que l’évaluation est réalisée uniquement à la demande des auteurs d’amendements.
M. le rapporteur. Il serait incohérent de ne pas mettre en place de système d’évaluation préalable des amendements parlementaires alors que nous généralisons ce système pour les amendements du Gouvernement.
M. Jean-Christophe Lagarde. Le Gouvernement est dans une situation différente car il élabore la loi avec l’assistance de ses services.
Mme George Pau-Langevin. Il serait possible de préciser que l’évaluation préalable est « réalisée » par l’assemblée plutôt que « communiquée » à l’assemblée, car une évaluation qui ne serait pas réalisée en interne pourrait constituer un danger pour le droit d’amendement des parlementaires.
M. le rapporteur. Je suis d’accord sur le fond avec la proposition de Mme Pau-Langevin. M. Lagarde peut quant à lui proposer un sous-amendement pour prévoir que l’évaluation est réalisée à la demande de l’auteur ou du premier signataire de l’amendement.
M. Dominique Raimbourg. Dans ce cas, on ne permet pas de réaliser l’évaluation d’un amendement qui est téléguidé par le Gouvernement.
M. le rapporteur. Si on réserve cette faculté à l’auteur de l’amendement, en effet, on ne se prémunit pas contre ce risque.
La Commission adopte un sous-amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant que l’évaluation d’un amendement ne peut être effectuée qu’à la demande de l’auteur ou du premier signataire de l’amendement, puis l’amendement du rapporteur ainsi modifié.
Après l’article 11 :
La Commission est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que la procédure d’examen accélérée doit être engagée lors du dépôt d’un texte, la Conférence des Présidents se prononçant à l’unanimité de ses membres.
M. Jean-Jacques Urvoas. Afin que les parlementaires soient mieux informés de l’engagement d’une procédure accélérée, cet amendement propose que le Gouvernement choisisse de recourir à cette procédure dès le dépôt d’un texte, et non plus jusqu’à la clôture de la discussion générale.
M. le rapporteur. Il n’est pas certain que cet amendement soit dans l’intérêt du Parlement. Tant que la procédure accélérée n’a pas été engagée, le Gouvernement est tenu de respecter les délais d’examen prévus par la Constitution. Mais en tout état de cause, je suis opposé à l’idée que la Conférence des Présidents doive se prononcer à l’unanimité de ses membres.
L’amendement est rejeté.
Article 12 : Procédure d’examen simplifié en séance publique :
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à supprimer cet article.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet article pose des difficultés. Je souhaiterais toutefois, avant de voter l’amendement, que le rapporteur nous présente ses propositions. Si elles reprenaient le dispositif actuellement prévu par le Règlement, qui exige un consensus au sein de la Conférence des Présidents, elles pourraient nous convenir.
M. le rapporteur. L’amendement que je propose prévoit qu’il n’est pas fait recours à la procédure d’examen simplifié en cas d’opposition du Gouvernement, de la commission ou du président d’un groupe. Cela devrait mettre fin aux inquiétudes.
M. Jean-Jacques Urvoas. Mais conserve-t-on la possibilité pour le Gouvernement et la commission de déposer des amendements ? S’ils déposent des amendements, les parlementaires devraient pouvoir en déposer également.
M. le rapporteur. Je ne suis pas opposé à la suppression de cette possibilité.
L’amendement est alors retiré.
La Commission rejette un amendement de suppression de l’article présenté par M. Jean-Claude Sandrier, ainsi qu’un amendement du même auteur interdisant aux règlements des assemblées d’instituer une procédure d’examen simplifié.
Deux amendements de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant, le premier, que la liste des textes soumis à la procédure d’examen simplifié est fixée après accord unanime de la Conférence des Présidents et, le second, que le recours à la procédure d’examen simplifié doit avoir reçu l’accord de tous les présidents de groupe, sont retirés.
La Commission adopte un amendement du rapporteur prévoyant que la procédure d’examen simplifié n’est pas mise en œuvre en cas d’opposition du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou du président d’un groupe, puis elle adopte un amendement rédactionnel et un amendement de précision du même auteur.
Elle adopte un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas supprimant la possibilité pour le Gouvernement et pour la commission de déposer des amendements lorsque la procédure d’examen simplifiée est mise en œuvre.
En conséquence, un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas permettant à tout parlementaire absent des débats en commission de déposer des amendements devient sans objet, de même qu’un amendement de M. Jean-Claude Sandrier permettant à tout membre de la commission de déposer des amendements et un amendement de précision du rapporteur.
Deviennent également sans objet trois amendements de M. Jean-Claude Sandrier ouvrant le droit d’amendement respectivement à tout parlementaire, aux commissions saisies pour avis et aux membres des commissions saisies au fond ou pour avis.
La Commission rejette trois amendements du même auteur interdisant le recours à la procédure simplifiée en cas d’opposition d’un président de groupe ou du président d’un groupe d’opposition ou minoritaire.
Puis la Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant l’abandon de la procédure d’examen simplifiée à la demande du Gouvernement, d’un dixième des députés ou d’un cinquième des membres de la commission saisie au fond.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement institue une procédure de « retour au droit ». L’initiative d’examiner un projet ou une proposition de loi sous une forme simplifiée pourra toujours être contrecarrée, jusqu’à l’adoption du texte en commission, ce qui est logique car l’initiative parlementaire, dont fait partie le droit d’amendement, est partagée par le Gouvernement et les parlementaires. Cette procédure est déjà prévue, sous une autre forme, par l’article 104, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale.
L’amendement, ayant reçu un avis défavorable du rapporteur, est rejeté.
La Commission adopte l’article 12 ainsi modifié.
Article 13 : Procédure d’examen dans des délais préfix en séance publique :
La Commission est saisie d’un amendement de suppression de l’article 13 présenté par M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Cet article, qui met en place un système de « guillotine », est en contradiction totale avec les débats que nous avons eu en mai dernier sur la révision de la Constitution. Le Gouvernement n’a jamais évoqué le « temps global », qui consiste à avoir globalement moins de temps. Mme Rachida Dati assurait au contraire que le Gouvernement n’avait pas l’intention de remettre en cause le droit d’amendement et que les amendements seraient librement déposés et examinés. De même, M. Roger Karoutchi avait déclaré que les parlementaires pourraient défendre leurs amendements.
Nous contestons violemment le principe même de cet article. Qui peut décréter qu’un amendement n’a pas à être discuté ? Est-ce le groupe politique ? Le texte permet de mettre aux voix des amendements sans discussion même si le temps global n’est pas écoulé. C’est une erreur de croire qu’un débat peut être prévisible. Le débat évolue au fur et à mesure des arguments invoqués.
M. René Dosière. Lors du débat sur la révision constitutionnelle, l’idée d’un temps global avait été émise, même si elle n’avait pas été évoquée par le Gouvernement. La notion de « limites » du droit d’amendement avait suscité beaucoup d’interventions, ce qui a amené sa suppression au profit du terme de « modalités » du droit d’amendement. Or, le temps global consiste à mettre aux voix des amendements sans discussion. Ce système, qui s’apparente à un retour au temps du consulat avec une assemblée qui vote les textes sans les discuter, n’est pas le meilleur exemple de parlementarisme. Alors que le Parlement avait refusé d’instaurer des limites au droit d’amendement, ce projet essaie d’en réintroduire, ce qui n’est pas conforme à ce que le Parlement a voté. Je citerai pour finir Georges Clemenceau, qui déclarait, le 4 juin 1888 : « Gloire aux pays où l’on parle, honte aux pays où l’on se tait. Si c’est le régime de discussion que vous croyez flétrir sous le nom de parlementarisme, sachez-le, c’est le régime représentatif lui-même, c’est la République sur qui vous osez porter la main ».
Mme Delphine Batho. Il y a une contradiction entre la volonté de mieux élaborer la loi et l’introduction d’un forfait temps. Cette généralisation de la procédure accélérée risque de conduire à une surproduction législative plutôt qu’à une « coproduction législative ». Écrire une bonne loi nécessite du temps.
De plus, les phénomènes d’obstruction sont très limités dans l’histoire du Parlement. Quand ils se produisent, ils sont le plus souvent utiles. Il serait dangereux que les mécontentements et les conflits qui surgissent dans la société ne puissent plus s’exprimer dans le débat parlementaire. Cela pourrait être un facteur de crise ou de blocages.
Ce projet n’est pas seulement un outil de lutte contre l’obstruction. Par exemple, l’examen du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM), prévu initialement sur deux jours, a duré deux semaines et a nécessité 36 heures de débat. Cette durée n’était pas due à l’obstruction – le groupe socialiste avait déposé 99 amendements – mais à un véritable débat de fond. Si le temps global avait été en vigueur, le débat aurait dû se limiter à deux jours seulement.
Enfin, ce projet met fin au droit d’amendement individuel en donnant tout le pouvoir aux groupes politiques, notamment aux présidents de groupe. Un parlementaire dont la position est différente de la position de son groupe ne pourra plus défendre ses amendements. Il s’agit d’un changement radical dans nos institutions, qui se serait opportunément accordé avec l’introduction de la proportionnelle …
M. Bruno Le Roux. L’ensemble de l’argumentation qui nous est opposée est erronée et doit être réfutée. Depuis le début de cette législature, l’urgence a été déclarée sur la quasi-totalité des projets de loi, alors qu’une lecture unique des projets de loi par chaque assemblée n’est pas suffisante pour améliorer ces textes. Sur les 10 projets de loi qui ont été les plus longuement débattus à l’Assemblée nationale, 6 l’ont été à l’initiative de la droite. À chaque fois que cela s’est produit sous la Cinquième République – par exemple pour des lois portant sur la presse, l’enseignement supérieur, ou encore l’entrée et le séjour des étrangers –, la discussion parlementaire a permis de faire évoluer le texte initial, car la séance est le lieu naturel du débat. De tels débats essentiels ne pourraient plus se tenir avec ce système de « crédit-temps » qui limiterait l’expression des parlementaires car il est à craindre que sur des textes particulièrement sensibles, le Gouvernement et sa majorité soient tentés de limiter le temps de leur discussion.
M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement que nous propose le rapporteur sur les conditions d’ouverture des délais de dépôt des amendements est satisfaisant. Ce n’est pas le cas de cet article, tel qu’il nous est soumis ; c’est pourquoi les députés du groupe Nouveau Centre déposeront, pour l’examen du texte en séance publique, des amendements visant à garantir les droits des groupes parlementaires et de chacun de leurs députés.
M. le rapporteur. Cet article tend à préciser les « conditions » – et non les « modalités » – encadrant l’exercice du droit d’amendement, comme le prévoit la Constitution et comme cela avait été clairement indiqué lors des débats sur la dernière révision constitutionnelle, tant en séance publique qu’en commission. Tous les parlements recherchent les moyens de s’organiser plus efficacement et je suis choqué par la référence qui a été faite au coup d’état du 18 brumaire. L’expérience parlementaire, et notamment la mienne lorsque je présidais certaines séances publiques, montre que l’examen d’une longue litanie d’amendements a pour seul objet de donner davantage de temps de parole à l’opposition et conduit, dans un second temps, lorsque l’obstruction cesse brusquement, à des décisions précipitées – et parfois à des erreurs, commise par exemple par un ministre dépassé par la vitesse d’examen. Des délais d’examen parlementaire des textes législatifs ont déjà été institués en France sans que cela pose de problème, sous de précédentes Républiques, mais aussi de 1958 à 1969. Au Royaume-Uni, pays qui est incontestablement démocratique, le Règlement de la Chambre des Communes lui permet de débuter l’examen du texte législatif par la discussion d’une motion de programmation, organisant les conditions et la chronologie du débat parlementaire.
Il n’est pas question de toucher au droit d’amendement mais seulement de mettre en place un nouveau mode de fonctionnement, plus respectueux du travail parlementaire. J’ajoute qu’aucun gouvernement ne prendrait le risque de faire voter aux parlementaires des lois sur lesquelles ils n’auraient pas été correctement éclairés et qui risqueraient de ce fait d’être déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Je suis favorable à ce que nous amendions le projet de loi organique afin de mieux protéger le Parlement contre le dépôt « à la dernière minute » d’amendements gouvernementaux. En revanche, je suis défavorable à cet amendement de suppression.
M. René Dosière. Les références à d’autres périodes parlementaires ou à des régimes étrangers me paraissent en l’occurrence inadaptées : au Royaume-Uni, par exemple, il existe un véritable régime parlementaire, et non un régime dans lequel le Président de la République s’occupe du Règlement des assemblées parlementaires… Chacun sait que la Cinquième République a créé, en réaction à la République précédente, un système de parlementarisme rationalisé.
Il est faux de dire que les procédures réglementaires considérées comme des moyens d’obstruction empêchent le Gouvernement d’agir. Les projets de loi qui ont donné lieu à ces pratiques sont très peu nombreux et la Constitution donne au Gouvernement des pouvoirs pour surmonter ces situations. Ainsi, en 2003, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des conseillers régionaux, les 12 000 ou 13 000 amendements qui avaient été déposés n’ont jamais été discutés, puisque le Gouvernement avait choisi d’engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement a fait valoir, hier en commission, que les projets de loi seraient désormais examinés en séance publique sur la base du texte adopté par la Commission. Cela va, effectivement, beaucoup modifier nos méthodes de travail, mais nul ne peut dire par avance comment les choses se passeront en pratique. Il est possible que les parlementaires jugent moins important le débat en séance publique du fait de ce rôle accru des commissions, mais ce n’est pas certain. Le plus sage serait d’évaluer la mise en œuvre des nouvelles procédures prévues dans la révision constitutionnelle, avant de modifier les dispositions du Règlement de l’Assemblée nationale qui régissent le droit d’amendement.
Je tiens à ajouter que les récentes déclarations publiques du secrétaire général de la Présidence de la République, fonctionnaire qui n’a jamais été élu et ne rend compte à personne hormis le Président de la République, accusant les parlementaires socialistes d’obstruction, sont ahurissantes. Si cette évolution institutionnelle se poursuit, notre régime finira par perdre son caractère démocratique.
Je trouve inquiétant qu’il existe aujourd’hui une volonté manifeste d’empêcher les parlementaires d’exercer leur droit à la parole pour l’examen des projets de loi.
M. Arnaud Montebourg. Les engagements qui avaient été pris par le Gouvernement, au moment de la révision constitutionnelle, pour obtenir les suffrages nécessaires, sont aujourd’hui piétinés et violés. C’est une première infraction grave à la morale publique. Ce pêché originel se retournera contre l’actuelle majorité parlementaire, dont les droits sont en cause. Lorsque l’opposition utilise les moyens réglementaires à sa disposition pour prolonger nettement l’examen d’un projet de loi, ce qui est très rare, elle lui évite généralement de faire une grave erreur politique. Si ce mécanisme parlementaire ne peut plus jouer et que de telles erreurs sont aisément commises, les parlementaires de l’actuelle majorité seront bien en peine de les expliquer à leurs électeurs.
Votre majorité commet une énorme faute politique et l’opposition s’assurera qu’elle en paye le prix. Elle se fait embarquer dans une démarche qui va se retourner contre elle. Il faudra en tout cas nous « passer sur le corps » pour adopter cette restriction du droit d’amendement.
M. Jean-Jacques Urvoas. Le diplomate va désormais céder la place au chef de guerre… Je vous invite à imaginer à quel point notre assemblée se transformera en chambre d’enregistrement avec le mécanisme qui nous est proposé, si la Conférence des présidents adopte, pour l’examen de projets de loi importants, un « crédit temps » resserré. Je vous informe que le groupe SRC va demander au Président de l’Assemblée nationale de bien vouloir recevoir mardi prochain une délégation, qui comprendra non seulement le président de ce groupe, mais aussi les anciens présidents socialistes de l’Assemblée nationale et la Première secrétaire du Parti socialiste, afin que l’information soit complète. L’article proposé est inspiré de l’article 49 du Règlement de l’Assemblée nationale en vigueur entre 1958 et 1969 ; il n’a donc rien à faire dans la loi organique. En revanche, les parlementaires doivent être libres de se doter, dans leur Règlement, de nouvelles procédures – nous souhaiterions d’ailleurs disposer d’une première rédaction du texte envisagé dans ce cadre si le projet de loi organique qui nous est soumis devait être adopté.
Ce que propose le Gouvernement créerait un déséquilibre profond aux dépens du Parlement. En effet, le Gouvernement pourra s’exprimer autant qu’il le souhaitera, contrairement aux parlementaires. Lorsque des situations d’obstruction se sont produites dans le passé, le Gouvernement en place en a toujours été la cause : le Parlement n’est intervenu par ce moyen qu’en réaction à une volonté gouvernementale de « passer en force ». L’analyse de la pratique parlementaire lorsque M. Michel Rocard était Premier ministre en atteste : le Gouvernement étant alors, en raison de la composition de sa majorité politique, obligé de négocier avec les parlementaires sur le contenu des projets de loi, il n’a été confronté à aucune obstruction.
Les députés du groupe SRC déposeront de nombreux autres amendements sur cet article avant l’examen de ce projet de loi organique en séance publique.
La Commission rejette l’amendement de suppression, ainsi que l’amendement identique de M. Jean-Claude Sandrier.
Puis elle rejette deux amendements M. Jean-Claude Sandrier : le premier interdisant aux règlements des assemblées de prévoir des procédures encadrant les délais d’examen d’un texte ; le second indiquant que, dans l’hypothèse où une telle procédure serait retenue, l’ensemble des amendements pourraient néanmoins être discutés.
Après avoir adopté un amendement de précision du rapporteur, la Commission rejette un amendement M. Jean-Claude Sandrier supprimant la possibilité pour les règlements des assemblées de prévoir des dispositifs de mise aux voix des amendements sans discussion.
La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur prévoyant l’attribution d’un « temps global additionnel » en cas de dépôt d’un amendement par le Gouvernement ou la commission après la forclusion du délai de dépôt des amendements.
Mme Delphine Batho. Je ne vois pas en quoi cet amendement constitue une amélioration par rapport au texte initial du projet de loi. Certes, si le Gouvernement ou la commission déposent des amendements hors délai, les parlementaires auront la possibilité de leur répondre dans la discussion sur ces amendements, mais ils ne pourront toujours pas s’exprimer sur leurs propres amendements qui continueront d’être mis aux voix sans discussion.
M. le rapporteur. Cette interprétation est inexacte. Si un temps global additionnel est attribué à un groupe, il pourra l’utiliser : soit pour se prononcer sur les amendements nouveaux du Gouvernement ou de la commission, soit pour défendre des amendements concurrents ou des sous-amendements à ces amendements nouveaux. Le dispositif mis en place est un régime de liberté.
Pour conclure, je voudrais dire que l’examen de ce projet de loi organique en commission est tout à l’honneur de la majorité, qui s’est montrée ouverte aux remarques de l’opposition, a adopté certains de ses amendements et a fait des propositions. Malheureusement, je regrette que cette main tendue n’ait pas été acceptée par l’opposition.
La Commission adopte l’article 13 ainsi modifié.
Après l’article 13 :
La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à organiser la discussion des amendements en commission mixte paritaire.
Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à remédier à quelques mésaventures survenues en CMP où certains parlementaires n’ont pas pu défendre leurs amendements et qui ont donné lieu à une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui n’est pas satisfaisante. Il semble donc utile d’inscrire dans la loi organique le droit d’amendement en CMP.
M. le rapporteur. Mon avis est défavorable, cette loi organique ne s’applique pas aux CMP.
La Commission rejette l’amendement.
Chapitre IV
Dispositions transitoires
Article 14 : Entrée en vigueur des dispositions :
La Commission rejette un amendement de M. Jean-Claude Sandrier de suppression de l’article et adopte un amendement de coordination du rapporteur.
La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur visant à permettre l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la présentation des projets de loi le 1er septembre 2009, plutôt que le 1er octobre 2009.
M. le rapporteur. Cet amendement permettra de disposer d’études d’impact sur les textes examinés au tout début de la session 2009-2010, qui auront été déposés au cours du mois de septembre.
La Commission adopte cet amendement ainsi que l’article 14 ainsi modifié.
La Commission adopte l’ensemble du projet de loi organique ainsi modifié.
La séance est levée à 13 h 15.
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